• Mon portrait

    Je vous écrit à la lumière du coucher de soleil très beau.

    Vous me demandez mon portrait,
    Mais peint d'après nature :
    Mon cher, il sera bientôt fait
    Quoiqu'en miniature.

    Je suis un jeune polisson
    Encore dans les classes ;
    Point sot, je le dis sans façon
    Et sans fades grimaces.

    Oui, il ne fut babillard,
    Ni docteur en Sorbonne,
    Plus ennuyeux et plus braillard
    Que moi-même en personne.

    Ma taille à celle des plus longs
    Las ! n'est point égalée ;
    J'ai le teint frais, les cheveux blonds
    Et la tête bouclée.

    J'aime et le monde et son fracas,
    Je hais la solitude ;
    J'abhorre et noises et débats
    Et tant soit peu l'étude.

    Spectacles, bals me plaisent fort,
    Et d'après ma pensée
    Je dirais ce que j'aime encore
    Si je n'étais au Lycée.

    Après cela, mon cher ami,
    L'on peut me reconnaître ;
    Oui, tel que le bon Dieu me fit,
    Je veux toujours paraître.

    Vrai démon pour l'espièglerie,
    Vrai singe pour la mine,
    Beaucoup et trop d'étourderie,
    Ma foi, voilà Pouchkine.

    (écrit en français, 1814)

    Alexandre POUCHKINE

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